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Histoire – L’expédition Croisière Minerva 1953

Introduction

Une Minerva à empattement long ? L’image de deux Landrover sur la couverture d’un livre a attiré mon attention. Je ne savais pas que Minerva assemblait des véhicules à longues roues basés sur le châssis du Landrover. La couverture est tirée du livre « La Croisière Minerva, sur les routes des Indes » de Paul Frère. Comme je faisais des recherches sur l’histoire de la Société Nouvelle Minerva, qui assemblait les Landrovers de la série 1 en Belgique à l’époque, j’ai été intrigué par cette histoire.

Après de nombreuses recherches, l’image est devenue plus claire et une histoire oubliée peut être racontée. Non seulement l’expédition de 1953 en Inde a été bien documentée et filmée par une équipe professionnelle, mais toutes les photos, les films et les journaux de bord sont restés intacts dans de vieilles boîtes au fond d’un grenier.

Des centaines de photos ont été numérisées et les films 16 mm originaux ont été soigneusement transférés dans le meilleur format numérique possible, donnant un aperçu unique d’une époque particulière. Complétés par le livre écrit sur le voyage, divers articles de la presse d’époque donnent aujourd’hui l’occasion de compiler cette histoire dans une expérience multimédia, et peut-être dans un livre à venir.

Crosier Minerva original negatives

Société Nouvelle Minerva

Après la Seconde Guerre mondiale, la Société Nouvelle Minerva s’est efforcée de relancer l’assemblage de véhicules à moteur dans son usine bombardée de Mortsel, près d’Anvers, en Belgique. La société a été fondée par l’entrepreneur automobile Mathieu Van Roggen en 1935, après avoir racheté les restes du célèbre constructeur de voitures de luxe Minerva, qui avait fait faillite quelques années plus tôt.
Van Roggen n’était pas étranger à l’assemblage d’automobiles. A 19 ans, il hérite de la carrière de pierres de Sprimont de son père, décédé prématurément. Il s’intéresse davantage à l’ingénierie et, en 1922, il devient directeur général des Automobiles Imperia à Liège, en fusionnant plusieurs petites entreprises automobiles dans le sud de la Belgique. Il a non seulement réussi à mettre Imperia sur la carte du monde comme une voiture désirable, mais il a également participé à plusieurs rallyes pour souligner la force des voitures Imperia. Avec son ingénieur en chef Arnold Couchard, ils introduisent des moteurs à soupapes coulissantes sur plusieurs de leurs voitures.

Ce n’est qu’en 1947 que Van Roggen a retrouvé l’accès à son usine bombardée de Mortsel, particulièrement touchée après le bombardement de la ville de Mortsel, qui a fait 900 victimes. En 1951, les Forces de défense belges, à la recherche d’un grand nombre de véhicules 4×4 légers, s’adressent à lui. Une série d’essais a été organisée entre Land Rover et Willy’s Overland et Van Roggen a réussi à décrocher un premier contrat pour l’assemblage de 2500 Land Rover Series 1, avec une part substantielle de contenu local, afin de stimuler la fabrication locale.

Les pénuries d’acier ayant limité la production de Rover, la Belgique a fourni la majeure partie de l’acier nécessaire à la fabrication des véhicules. En 1953, la Société Nouvelle Minerva avait mis en place une usine de montage très moderne et produisait en moyenne 25 véhicules par jour pour répondre à la commande d’environ 9000 4×4.

La commande des Forces de défense belges arrivant à son terme, Van Roggen a concentré son énergie sur le marché civil et l’exportation et a commencé à assembler une version locale de la Série 1 86″, toujours sous licence de Land Rover.

Minerva factory 1953

Son ambition est de relancer la construction automobile belge d’avant-guerre et il prévoit également une voiture de tourisme de luxe. Le financement étant un problème, ils ont décidé d’assembler localement la berline Armstrong Siddeley Sapphire 346, dotée d’un moteur six cylindres de 3,4 litres et d’un intérieur luxueux, rivalisant avec la Jaguar MK IV. Les kits CKD arrivent bientôt à Morsel et l’assemblage commence. Van Roggen commence à réfléchir à un moyen de promouvoir ses véhicules dans la presse.

Il est approché par Raymond Boschmans, vice-président du Royal Automobile Club de Belgique, qui n’est pas étranger à l’aventure terrestre et qui dispose d’un vaste réseau de relations diplomatiques. Boschmans avait exploré l’Afrique en voiture dans les années 1930 au cours de plusieurs voyages et était bien placé pour organiser cette aventure également. Il a commencé à rassembler son équipe pour le voyage de 15 000 km vers l’Inde.

L'équipage

The Croisière Minerva expedition crew in Baghdad 1953

L’équipage de l’expédition à Bagdad, Irak – 1953

Le célèbre journaliste et pilote automobile Paul Frère a été contacté pour conduire l’un des Armstrong, écrire une série d’articles pour divers magazines sur le voyage et résumer toute l’aventure dans un livre.

Une équipe de directeurs de la photographie a été constituée sous la direction de l’enthousiaste Pierre Levie, qui commençait alors sa carrière de documentariste et de réalisateur. Sa femme Suzette et leur fils Jean-Pierre, Philippe Colette et Gérard Perrin comme caméramans et 2 assistants Guy De Pierpont et Jean-Pierre Douret, l’accompagneront. Pierre Levie a accepté de prendre la direction de l’expédition s’il pouvait profiter du voyage pour documenter également les hauts lieux culturels de la route et réaliser une série de documentaires sur le patrimoine culturel des pays traversés.

Mathieu Van Roggen a accepté de fournir les Land Rover pour le voyage et d’effectuer les modifications nécessaires. Van Roggen a passé commande auprès de Land Rover d’un pick-up 107 à empattement long pour accueillir tout le matériel nécessaire à l’équipe de tournage.

Des modifications ont été apportées à son arrivée à Mortsel. Un deuxième réservoir de carburant a été ajouté et un générateur électrique, entraîné par la prise de force, a été installé entre les sièges avant pour alimenter toutes les lumières nécessaires au tournage. Un toit rigide pour la 107 a été fabriqué à Mortsel, apparemment en assemblant 2 toits rigides de 80 pouces. D’autres supports en acier ont été installés à l’arrière de la 107 pour ranger le matériel cinématographique et les ailes du Landrover ont été remplacées par les ailes inclinées en acier distinctives de la Minerva, ce qui lui donne l’air d’une voiture sortie de l’usine de Mortsel.

Quant à la seconde Minerva de 80 pouces, aucune information n’a encore été trouvée. Il s’agit bien d’un véhicule 80″ S1, peut-être l’un des premiers construits pour la Gendarmerie (force de police) puisqu’il présente plusieurs de ces caractéristiques. Châssis Landrover avec trou de prise de force, vitre avant galvanisée et réservoir de carburant Landover. Il était principalement utilisé pour transporter le câblage de l’équipe de tournage et était également chargé de bagages.

Les deux Armstrong Siddeley Sapphire étaient des modèles d’usine standard et seul l’un d’entre eux était équipé d’une galerie de toit, aucune autre modification n’ayant été apportée. Pour les distraire davantage sur la route, ils ont tous deux été équipés d’autoradios Philips, qui ont miraculeusement très bien survécu à ce voyage ardu.

Grâce au vaste réseau de relations de M. Boschmans, l’équipage s’est vu délivrer des passeports diplomatiques afin de faciliter le passage des frontières et le voyage par voie terrestre à travers tous les pays en route vers l’Inde. Le voyage les mènera à travers la Yougoslavie, la Turquie, la Syrie, l’Irak, l’Iran, le Pakistan et l’Inde.

Pierre Levie - Directeur de la photographie

L’expédition a été documentée en film 16 mm et en photos par Pierre Levie et son équipe. Il avait déjà l’expérience de ce genre d’aventures en tant que réalisateur, ayant déjà travaillé sur plusieurs films au Congo belge en 1951. Les images prises au cours de ce voyage seront compilées dans plusieurs films mettant en lumière les anciennes civilisations de Syrie et d’Irak, les châteaux des croisés et bien d’autres encore.
Ci-dessous un extrait du documentaire sur sa vie « Pierre Levie, un producteur très animé » par sa fille Françoise Levie.

© Sofidoc – Françoise Levie

Crosier Minerva orignal film cans

Paul Frère - le livre et la presse

Le journaliste et pilote Paul Frère a pris l’initiative d’écrire une série d’articles pour les journaux et les magazines automobiles belges, décrivant leur voyage chaque semaine.

Les histoires ont été publiées entre autres dans le magazine Royal Auto Revue du Royal Automobile Club, Le Sports Moteur et Het Laatste Nieuws.

Après son retour en Belgique, un livre a été publié par Paul Frère avec ses notes personnelles et ses photographies, en édition limitée. Aujourd’hui, ce livre est un objet de collection et il est rare d’en trouver un.

Dans les années qui suivent, Paul Frère devient l’un des principaux journalistes automobiles de Belgique et d’ailleurs, tout en menant une carrière de pilote de course et de pilote d’essai. Il a notamment terminé deuxième du Grand Prix de Belgique en 1956 et a remporté la course des 24 heures du Mans en 1960, au volant d’une Ferrari. Il a été engagé comme consultant en ingénierie pour Maserati et divers constructeurs japonais.

Croisière Minerva - articles in press

L'itinéraire

En 1953, il était encore possible de se rendre jusqu’en Inde, sans trop de problèmes aux frontières. L’expédition les mènera à travers l’Allemagne et la Yougoslavie, en traversant les Balkans et en s’arrêtant dans la ville magique d’Istanbul.
Comme les châteaux des croisés figuraient sur la liste des films à tourner de Pierre Levie, le voyage a comporté de nombreux sites antiques en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Syrie.

Traversant les déserts d’Irak et d’Iran, l’équipe continue à documenter son voyage et son environnement, visitant des lieux magiques comme Persépolis, le site antique de Babylone et Bagdad. La traversée de l’Indus les a conduits sur le dernier tronçon à travers le Pakistan et l’Inde. La destination finale est Bombay (Mumbai) où l’équipage profite d’un repos bien mérité avant de rentrer chez lui.

Un total de 15.000 km remplis d’aventures !

Croisière Minerva map from book

Découvrez ici le voyage que l'équipage a effectué, jour par jour

Journal de la Croisière Minerva